Kirghizistan - Impressions de voyage


Il était une fois, dans la nuit des temps un peuple de nomades qui vivaient, allaient et venaient en haut des Monts Célestes, au milieu des steppes et des alpages, en Asie Centrale, entre Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Chine... Nous avons découvert ce pays méconnu.

Quand j’ai proposé à mes amis de visiter le Kirghizistan, leurs yeux s’écarquillèrent en point d’interrogation: pourquoi? comment? et où?

Voici donc la réponse dans un court récit et mes impressions de voyage.

En parcourant ce pays d’Asie Centrale, nous avons aussi suivi son histoire: Route de la Soie du 6ème au 11ème siècle sous les dominations sogdienne puis turque, le pays fut repris en main par le Khanat de Kokand (Ferghana ouzbek). Ils construisirent des forteresses pour se protéger contre les Mongols (13ème s).

Le 19ème siècle fut une étape importante dans l’histoire du pays. Les Tsars étendirent leurs territoires, installèrent des colons russes, planifièrent la construction des villes, telles que Bishkek, la capitale actuelle. On comprend dès lors la richesse culturelle et la variété des populations: Ukrainiens, Tatars, Russes, Ouzbeks, Tadjiks..avec une langue véhiculaire, le russe.

Pour qui aime la montagne, le Kirghizistan est idéal: un lac Issyk Koul à 1600 m d’altitude, le second plus grand lac alpin au monde après le Titicaca.

Quelques sites avec des Pétroglyphes attestent d’une vie organisée dès le 8ème siècle a.c.n.

Plusieurs religions y sont pratiquées: orthodoxe,musulmane,chamaniste.

La nature est généreuse et comblera de plaisir les passionnés de roches (gorges de grès rouge impressionnantes à JetiOgüz), les amateurs de montagnes escarpées, de verts pâturages, de rivières enchanteresses, cascades bruyantes, forêts verdoyantes (noyers à Arslanbob) ou de glaciers.

Les ressources touristiques sont inégalables: randonnées à cheval, rafting, escalade (Pic Lénine à 7134m), plages le long du rivage nord du lac Issyk Koul.

On ne regarde pas seulement les paysages, on les ressent. Nous avons traversé des ondulations ocres comme en Cappadoce. En nous dirigeant vers la frontière kazakhe, nous avons découvert un univers illimité de LIBERTE : les ruisseaux serpentent à leur gré, des hordes de vaches, moutons et chevaux nous entourent, sans crainte ni agressivité. Ils sont libres. En redescendant vers le lac et Karakol, le soleil couchant cède la place à la lune qui se remplit pour faire belle mine dans 3 jours lorsque nous serons à 3400m sous la yourte au lac Song Koul. Ici, les voitures ne dominent pas car les vaches, les ânes ou les chevaux prennent leur temps et nous forcent aussi à prendre le temps, calmement, sans référence à la vie suractive de l’occident.

Sur le bord de la route, un cheval étire sa jambe pour se gratter.., un paysan vérifie ses ruches...

Nous sommes dans "l’inattendu", le grandiose, le silence et la solitude du soir sous un ciel rosé-rouge-orange comme le ciel du peintre hongrois Csontvary.

Les sommets dentelés se détachent de l’horizon avant la tombée de la nuit. Le ciel enflammé passe aux teintes couleur pêche, bleu-gris, vanille et concurrence la lune qui trône, fière, là-haut. Tout se calme, la nature se détend, les blés se rafraîchissent après la journée de chaleur.

Le lendemain, de l’autre côté (sud) du lac commencera l’ascension vers le lac Song Koul.

Chemin faisant, nous avons rencontré l’aigle royal, les faucons à l’affût de loups, lynx, renards. En fin de journée près de Kochkor où nous avons assisté à la fabrication de syrdak, tapis de laine de moutons, le lac s’éloigne et les sommets enneigés se rapprochent de nous.

Le soleil avance vers l’horizon en perdant de son éclat. Il éclaire la masse de nuages qui surplombent les cimetières parsemés le long de la routeet les mosquées aux toits brillants de tôle.

La Chuy sinue entre les arbustes et une panoplie de verts.

Le jour suivant, avant d’aller à Naryn, nous faisons un "crochet" jusqu’à la source d’eau chaude. L’immensité des espaces est à peine croyable!!! Nous voyons çà et là des familles nomades vivant dans les yourtes avec leurs troupeaux. La rencontre la plus impressionnante fut ce troupeau de yacks puissants aux naseaux sifflants qui ont traversé la piste et entouré notre véhicule, sans gêne…marquant ainsi que les espaces leur appartiennent!

Pour atteindre la source d’eau chaude, les 4x4 firent des cabrioles dans une rivière aux bords escarpés. Souvenir inoubliable et émotion...

Mais, ils le firent avec une maîtrise magistrale.

Pour atteindre la 3346m du lac Song Koul, le jour suivant, la grimpette fut vertigineuse.

Le spectacle du lac vers 13h marquera à tout jamais nos mémoires.

Après l’installation dans la yourte et le repas, quelques-uns firent l’expérience d’une balade à cheval, et certains même, pour la première fois!

La température baisse en même temps que le soleil quand nous assistons à des jeux équestres et notamment le buzkashi, compétition entre deux équipes de cavaliers.

Nous nous sommes emmitouflés dans nos duvets en écoutant les doux chants ouzbek de notre guide Sherzod.

Dehors, le ciel forme avec le lac des stries de couleurs différentes: dégradés de gris, vanille, rouge assombri par la nuit qui vient, vert foncé contrastant avec le lac argenté.

La nuit, le silence intense est coupé par les bêlements de moutons, le meuglement des vaches et les voix des touristes cherchant le sommeil dans les yourtes. Au loin, un hennissement perdu dans l’immensité glaciale. La pleine lune joue à cache-cache avec les nuages.

Après la disparition de la lumière qui éclairait la yourte, le dôme laissa passer un filet de clarté comme si nous étions sous la voûte du ciel étoilé.

Le froid intense à 6h du matin nous réveilla et les plus courageux, sortis de la yourte furent récompensés: une tasse de café dans un paysage de soleil levant qui jette ses couleurs orangées de la colline vers le lac.

Les yourtes se taisent encore tandis que les nomades, nos hôtes, s’activent à leurs tâches quotidiennes: libérer la vache qui vient de nourrir son veau, couper du bois pour chauffer l’eau des grands samovars et préparer le petit-déjeuner pour les touristes. Toute la famille nomade veille à nous rendre heureux.

L’édelweiss rare et cachée en Europe, se déploie ici en tapis, à perte de vue.

Le trajet du lac à Kizil Oï nous étonna encore par sa diversité. La montagne éteinte la nuit s’allume sous le soleil: blanc, ombre, gris brillant. Un agrégat de moutons en haut de la montagne s’accroche aux nuages. Un troupeau de chevaux glisse et s’étire le long du chemin que nous parcourons à pied. De Kizil Oï à Toktogul, par la piste des sommets apparut soudain un cavalier kirghize aux yeux bleus comme sorti de nulle part, tombé du ciel dans les restes d’un cimetière scythe (sak). Plus loin, sur le bord de la route, c’est un cheval pie qui nous regarde...

Le retour vers la vie moderne et mouvementée nous laisse une impression de frustration. Nous ne pouvons nous détacher de toutes ces images qui sont imprimées en nous.

A tous ceux qui aiment les émotions fortes, je dirais: "N’hésitez pas, allez-y, vous serez suspendus entre ciel et terre, immensité et silence"

Jeannine MONNOYE