Carnet du voyage en Chine de Jeannine Monnoye


La Route de la Soie du Kirghizistan à Pékin. Septembre 2016

La Route de la Soie, c’est souvent une image que l’on se représente à partir de livres, de reportages ou d’expériences vécues par d’autres. Eh bien, nous, les amis belgo-français de Shéhérazade Voyages, nous l’avons parcourue depuis l’Ouzbékistan (en 2012), le Kirghizistan (en 2013 et 2016) jusqu’à Pékin.

Cette année, nous avons suivi un itinéraire depuis Osh au Kirghizistan en traversant la Chine de Kashgar à Pékin, non pas à dos de chameau comme à l’origine mais la plupart du temps, en TRAIN.

Oui, trains de nuit avec compartiments confortables de 4 lits et matelas mous ou en cabines de 6 personnes, chaque fois mélangés aux voyageurs chinois. L’expérience vécue, je vous la raconte en quelques pages.

Bruxelles ou Paris ou Genève-Istanbul-Osh. Jusque-là rien d’extraordinaire. Sherzod nous attend à l’aéroport. La montée en minibus vers Sary-Tash à 3400 m face au Pamir est entrecoupée d’arrêts pour photographier les somptueux paysages : dégradés de verts, ciel limpide, montagnes rouges.

Le logement chez l’habitant demande de la souplesse, de l’adaptation quand il faut rejoindre les toilettes rudimentaires la nuit, au clair de lune ! Petit déjeuner offert avec le plus beau sourire de Sary-Tash.

Passer la frontière vers la Chine n’est pas une mince affaire, même en ayant nos visas. Après une douzaine de contrôles sur une distance de 150 km, nous rencontrons enfin l’équipe chinoise qui vient nous chercher. Il faut rester patients, zen, optimistes même en se retrouvant dans un gros camion à ciment qu’il faut escalader et descendre plusieurs fois, simplement pour montrer son passeport. La beauté des paysages nous subjuguent. Les coloris rouille, verts, les montagnes plissées nous convainquent que les difficultés de passage à cette frontière en valaient la peine.

Les roches deviennent couleur sable. Le soleil et quelques nuages y peignent des ombres.

Nous sommes bien sur la Route de la Soie car des chameaux de Bactriane, poilus, résistants, à 2 bosses paissent le long de la route et s’approchent de nous, intrigués par ces énergumènes gesticulant avec des appareils photos.

Quelques heures plus tard, nous entrons dans Kashgar, la ville principale des Ouïgours, de confession musulmane. Nous visitons la Mosquée, le Mausolée, le vieux quartier presque complètement détruit car jugé insalubre et dangereux. L’Etat a reconstruit un nouveau quartier le long des remparts pour reloger tous ceux qui avaient été expropriés depuis 2003. Dans une rue proche de notre hôtel, nous plongeons dans la vie quotidienne : magasins, barbiers, tailleurs, aiguiseurs de couteaux qui serviront dans 2 jours pour le sacrifice des moutons. Ces derniers sont transportés par centaines dans de petites camionnettes. Les moutons ignorant encore leur sort sont attachés devant les maisons où ils seront égorgés.

L’effervescence continuera le dimanche matin au plus grand marché aux bestiaux de la région. Un spectacle animé à ne pas manquer !! En ville le Grand bazar vend tout ce que l’on peut imaginer. Nous conversons avec les commerçants, nous marchandons, toujours avec de la bonne humeur. Les Ouïgours se font photographier avec nous. Ils essaient de savoir d’où l’on vient. Il faut du talent pour mimer qui nous sommes, où nous allons…

Nous quittons à regret Kashgar et il est temps d’attraper notre premier train de nuit pour Kuqa. Première expérience des contrôles sévères à l’entrée de chaque gare où nous devons ouvrir nos valises et céder nos couteaux, ciseaux et objets pointus.

Retard de 4 h de notre train ! Nous gardons le sourire… Nuit calme et confortable sur nos couchettes molles.

A Kuqa, visite des grottes des 1000 Bouddhas. Les grottes s’insèrent dans des paysages fendillés et crayeux.

Etape suivante : train de nuit en compagnie de Chinois. C’est une immersion complète dans la foule.

A Turfan visite d’autres grottes, de la cité antique de Jiaohe puis celle de Gaochang.

Nouvelle nuit dans le train pour Dunhuang où le Croissant de Lune, oasis dans les Dunes nous donne l’impression d’être dans le désert du Taklamakan, avec les chameaux qui transportent les touristes dans le sable. La température avoisine les 40 degrés. Nous visiterons aussi les grottes de Mogao, site protégé par l’Unesco.

Une autre journée en train de Dunhuang à Zanghye garantit la découverte des paysages de Mongolie intérieure. Zanghye a gardé son âme et résisté à l’engouement de l’architecture moderne. Le Grand Bouddha couché de 34 m, en bois peint attire la dévotion des fidèles bouddhistes. Rien n’est artificiel : les gens viennent prier avec piété, font des offrandes de bougies-nénuphars, de bâtons d’encens. Nous avons ressenti cette ferveur aussi dans les 2 monastères tibétains de Kumbum près de Xining et de Labrang à Xiarhe. Les moines de ces 2 monastères perchés en montagnes fabriquent des sculptures en beurre de yacks, les peignent et les exposent au public. Les toits couverts d’or de Kumbum et les moulins à prières nous ont transportés dans un autre monde, un monde de rites et de circumambulations répétitives que la population fait avec le plus grand respect religieux des Bouddhas et temples sacrés . Les tibétains vivant ici portent des costumes aux couleurs vives. Ils nous saluent avec de grands sourires. Malgré la pluie glaciale qui nous a trempés jusqu’aux os, personne n’a regretté d’avoir poussé le circuit jusqu’ici. L’air se raréfie en montant. Les prés se peuplent de yacks. Dans chaque village, des immeubles-tours dressés dans le ciel comme des cierges remplacent peu à peu les petites masures des pauvres. Le contraste est violent : modernité à tout prix, travaux titanesques de routes et de ponts mais à côté, l’inconfort des habitats traditionnels et du monastère lui-même où déambulent des moines vêtus de manteaux jaune et rouge foncé.

De ces hauts plateaux jaillissent les sources qui vont alimenter le Fleuve Jaune. La terre limoneuse se fracture par endroits pour former de petits canyons. Les cascades de plus en plus fortes nécessitent des digues pour protéger les villages. Le Fleuve Jaune fertilise les champs. Il charrie une eau qui ressemble à de la crème couleur « cappuccino ».

Nous quittons ces paysages pour nous rendre à Lanzhou. De chaque côté de la route, des dizaines de mosquées sont plantées dans les villages. La variété des minarets verts, dorés, en forme de pagodes est une nouveauté pour nous qui connaissons les mosquées traditionnelles de Turquie ou d’Ouzbékistan. Ici, le style est bien chinois, raffiné, joyeux.

Dans le Parc des 5 sources de Lanzhou, nous nous ressourçons, nous reprenons de l’énergie parmi les cascades, les fleurs, les petits ponts et même la musique de 3 joueurs de lyre à une corde.

Nouveau train de nuit pour Xi’an. Xi’an est célèbre pour ses raviolis, ses spectacles de danse mais bien sûr et surtout pour son armée de soldats en terre cuite, découverte en 1974 par un paysan qui cherchait une source d’eau. Cette découverte bouleversa les données historiques de Chine. Après une agréable promenade dans le marché musulman, endroit pittoresque de tentations d’achats, nous reprenons un TGV pour Luoyang.

Dans le train, nous déroulons dans notre tête le cours du temps, la promenade sur les remparts de Xi’an, le matin quand les habitants font leur Taï-shi, la course ou se font tailler la barbe.

A Luoyang, notre guide Cécilia, légère et vaporeuse nous fait découvrir les parois rocheuses taillées en statues de Bouddhas. La lumière du soleil couchant sur les reliefs est apaisante. Tout est silence.

Les Bouddhas veillent sur la rivière Yi puis s’endorment sous la lune.

Pour compléter les découvertes chinoises, il fallait ajouter la démonstration de Kungfu et le monastère de Shaolin. La forêt de Stupas est la dernière demeure des moines depuis le 7ème siècle jusqu’à nos jours.

Qui n’a pas vu Pingyao n’a pas une vision totale de la Chine.

Pingyao : un vrai coup de cœur pour cette petite ville authentique tant par ses monuments que par son ambiance dans les ruelles. Du haut de ses remparts, on voit un champ de toits incurvés en tuiles grises et des patios carrés, décorés de lanternes rouges et du vert des arbustes. Les banquiers ont construit la richesse de la ville au 19ème siècle.

Le Confucianisme et le Taoïsme ont marqué la vie des habitants. Equilibre, respect, effort, bienveillance sont les qualités attendues par ces philosophies. La société chinoise fut bien organisée et hiérarchisée. Elle l’est encore même si on professe le Communisme.

Dernière étape : Pékin et sa Cité interdite, son Temple du Ciel, son Temple des Lamas et enfin, sa Grande Muraille, témoin d’efforts d’antan pour garder son intégrité territoriale….en vain.

Le lion, le serpent, le dragon, la biche, le paon, tout est symbole. Chaque génération cherche le bonheur, la richesse, la longévité.

Notre dernière image de ce périple de la Route de la Soie sera la Muraille de Chine. Nous avons arpenté la Chine, serpenté d’ouest en est, du nord aux montagnes du Tibet historique et ici, du haut de la Muraille, nous sommes un petit rien, un petit point contemplant les restes du mur dans la brume. La muraille serpente aussi de colline en colline, d’est en ouest avec les découpes de ses créneaux comme un dragon qui hérisse ses écailles et suggère le pouvoir de l’empereur, un pouvoir qui n’est jamais éternel !

La Route de la Soie, c’est un circuit à réaliser pour comprendre non pas « la Chine » mais « les différentes Chines ».

On en revient bouleversé, étonné et charmé.

Jeannine Monnoye-Saintes, septembre 2016